c'est quoia ça ?!

c'est quoia ça ?!

Et voilà, c'est fini, ce cher poste de directeur, ces responsabilités diurnes et nocturnes, cette crainte viscérale de ne pas pouvoir verser un salaire aux employés en fin de mois, de ne pas pouvoir conserver mes agents diplômées.

Des nuits à repenser le projet, à le réécrire, à faire des études de terrain, à chercher des fonds.

D'autres passées à formuler des phrases, à s'entrainer pour faire face aux entretiens avec l'équipe, au mécontentement général, aux réunions avec les partenaires.

Le secteur de la petite enfance est en berne, ne "rapporte plus", n'est plus financé : point barre, le rideau va-t-il fermer ?

Comment peut on être en 2019, à l'ère ou Montessori vend autant de livres que Michele Obama ou Guillaume Musso , et être en difficulté à maintenir une association qui propose de la garde d'enfant ? 

Notre société toute entière n'a-t-elle pas mis l'enfant, qui plus est, en bas âge, au centre de tout ? 

Je dépense le plus gros de mon propre salaire pour mes chérubins, la plupart des personnes que je suis sur les réseaux sociaux n'ont de cesse que de poster des photos de leur progéniture, des activités de cette marmaille bruyante et exubérante.

Les enfants sont maintenant plus likés que les adultes, leurs chaines youtube marchent tout aussi bien :  déballage de cadeaux, montage de circuits électrique interminables, arrachages de dents de lait à l'aide de voitures motorisées, tests de biscuits ect.

Les petites vidéos sablées se regardent à la pelle. Ma fille s'amuse elle même à faire des publicités que je dois filmer en privé pour les ponctuer de " rejoignez moi sur youtube, olivia.fr et google home". Bon, je vous l'accorde, elle confond un peu tout, mais du haut de ses sept ans, c'est déjà pas mal. 

Bref comme d'habitude,  je m'égare, la vraie question c'est pourquoi les associations de garde d'enfants mettent peu à peu la clé sous la porte, au profit des géants des établissements d'accueil ? Il y a l'or jaune, rose, blanc, l'or gris des maisons de retraite, a-t-on donné un nom à la garde de nos chères tentes blondes ?

Laissez moi vous raconter l'histoire de toutes ces directrices dont je fais partie peu ou prou et dont la vie tourne peu à peu autour de la salubrité de leur bâtiment, des normes d'hygiène alimentaire et des comptes à équilibrer.

Au commencement un métier d'infirmier, orienté vers le soin. Puis, la découverte de la pédiatrie, la spécialité. Pour certaines, un diplôme supplémentaire en management, universitaire ou non.

Et nous voilà ! Galvanisées ! Grisée pour ma part  par un titre plus ou moins pompeux de directeur et de nouvelles responsabilités. Madame la directrice, ça sonne bien non ?

L'histoire commence donc par l'amour d'un travail auprès des enfants et  des familles. Pour ma part, un parcours exemplaire de l'aide soignante à l'infirmière, de l'infirmière à la puéricultrice, de la puéricultrice à la cadre. Je suis arrivée en poste de direction avec le projet d'une école de direction, d'une reconnaissance diplômée, typiquement Français non ?

Je me suis donc lancée à corps perdu dans le travail avec pour seul objectif d'améliorer les conditions d'accueil des enfants et de rééquilibrer la structure pour la péréniser.

Et puis, première difficultés managériales mais on garde a tête haute : J'ai déjà été cadre de santé, merci, je connais, vous n'allez pas me la faire à l'envers !!

Oui, mais non. Gérer des infirmières surmotivées en réanimation pédiatrique, même si le métier est difficile, même si ça pique et que ça blesse, c'est autre chose que de gérer des femmes à qui l'on a dit : oh ben vous êtes une femme, essayez la petite enfance, c'est un secteur en plein essor, et qui se retrouvent confrontées au travail en structure d'accueil, épuisant, exigeant.

Bien entendu, il y a celles qui sont là par choix, mais les autres le sont pour travailler, pour sortir des listes du chômage : une formation de 9 mois après laquelle vous trouverez du travail un peu partout : c'est parfait non ? 

Mais s'occuper d'enfants qui vont bien, qui ne sont ni intubés, ni sédatés, qui ont besoin de découvrir le monde et le panel d'émotions qui va avec, ce n'est pas plus simple. Rester avec eux, leur donner des crayons de couleur, ça l'est, mais garder une attention particulière  à chacun, pour lui permettre d'explorer, de gagner en confiance en soi, de se réaliser, de laisser s'exprimer sa singularité, et bien ça , c'est difficile.

Et ça l'est d'autant plus si l'on traine derrière soi des casseroles de sa propre enfance. Comment se départir alors de ses principes pédagogiques pour rester professionnelle quand on a pas vraiment choisi ce métier par envie ? 

Les secondes difficultés que j'ai rencontrées en tant que manager se mêlent et s'entremêlent. C'est un peu comme jongler avec des torches qui nous brulent en ayant pour objectif qu'elles ne s'éteignent  pas.

Avec la CAF qui mets les taux d'occupation en priorité et demande à ce que l'établissement soit rempli , avec la mairie qui elle ne voit que les familles à l'instar malheureusement parfois des enfants, avec les comptes qui vous disent qu'il va falloir mieux gérer.

Et cette petite voix de puéricultrice, très lointaine mais pas encore éteinte et qui vous dit  mais non, l'enfant, c'est lui en premier. Lui, son besoin de sécurité, de rythme, de routine, de confiance, lui ... et c'est bien normal.

Et voilà, les heures s'enchainent, les soirées à finir tard, les projets, la comptabilité, les entretiens, le suivi du personnel, les recadrages nécessaires, le suivi des travaux, les achats divers et variés.

Le travail et la vie privée ne font plus qu'un, on se met à diviser notre chariot de courses en deux : un coté pour la famille et l'autre pour la crèche. 

Votre téléphone devient celui de garde, les appels  vont et viennent à toute heure du jour ou de la nuit. Vous faites votre facturation pendant vos vacances, travaillez les week ends.

Parmi tout cela, heureusement il y a les projets, ceux qui vous font tenir car ils vous rappellent que vous n'êtes pas que ce cadre dirigeant, qui transporte ses résultats de compte fiévreusement en se rendant tous les vendredis à sa réunion de direction.

" A combien je suis déjà d'heures facturées, 2000 ? Faudrait pas qu'il y ait une épidémie de Varicelle, sinon, j'aurai trop d'absentéisme..

Un beau jour vous vous surprenez même à être contente de petites choses :

-Margot s'est fait cette brosse balafre sur la joue chez elle

-Ouf

-Oui mais Eliot s'est cassé la jambe 

-Ici ?`

- Non, en traversant

- Ouf..."

 Outre ces considérations d'un " cadre féminin au bord de la crise de nerf" ( merci Pédro) , lors d'une de mes dernières réunions entre directeurs où nous parlions de nos valeurs, du fait que nous ne voulions pas "vendre nos places" et des solutions qui existaient contre cela, je me suis arrêtée un instant de courir.

Ces valeurs que nous avons, elles sont si ancrées  : de là vient cette énergie pour la lutte, ce besoin de projeter. 

Oui mais voilà, finalement, est ce que nous les retrouvons concrètement sur le terrain ?

Est ce que vraiment au jour le jour, nous pouvons accueillir les enfants dans de bonnes conditions, conformément à nos valeurs ?

Et ces instances qui se veulent être le projet politique de notre nation pour toute une génération, sont-elles vraiment dans la bientraitance ? 

Sommes tous à la hauteur de nos propres exigences ?

 

 

N'hésitez pas à donner votre propre avis et commenter le texte

Bravo à toutes celles qui travaillent dans les structures d'accueil pour enfants, qui gardent leur motivation et rendent la vie des enfants plus riche.

 

 

 

 

 

 

Retour à l'accueil