Exercice d'écriture : écrire un texte qui commencerait pas " Rien ne serait arrivé si je n'avais pas changé de coiffeur". Mon humble contribution.

Rien ne serait arrivé si je n'avais pas changé de coiffeur.

Pas de coup d’œil rapide dans la glace, de respiration qui se coupe, de cœur qui s’emballe.

Exit l’image de cet homme tourné vers cette femme, de leur complicité palpable, leurs discrets frôlements d’épaules. Ils se tiennent tous deux bien droits comme s’ils étaient nés de la même famille, les gestes harmonieux et le silence assourdissant.

Ils s’adossent à leur fauteuil tandis que la jeune femme qui les accompagne se fait coiffer.

Sa chevelure blonde, brillante luit au soleil tandis que la brosse va et vient dans ce dédale de volupté.

 

Elle-même me tourne légèrement le dos mais je peux apercevoir sa mâchoire légèrement carrée, ses lèvres fines et ses sourcils épais.

Je ferme les yeux pour compléter le tableau : Victoire est blonde aux cheveux raides et elle a des yeux bleu clairs.

Je dois reconnaitre que je suis surprise de les trouver ici tous les trois, je savais que ma mère nous cachait le géniteur de ma sœur, j’ignorais par contre qu’elle-même était au courant de l’affaire. 

Pas besoin d‘être apprenti médecin pour savoir que les groupes sanguins de mes parents n’expliquent pas celui de ma sœur. Il ne s’agit pas de remplacer Dolto pour affirmer que la déférence de mon père envers ma sœur n’est là que pour composer un amour qu’il ressent comme dû lorsqu’il pense à moi.

Je mange littéralement les miettes de Victoire depuis que je suis née, et encore, je ne sais faire autrement que de dire merci.

Merci pour ses vieilles fringues, sa voiture cabossée, ses CD sans jaquettes, les bribes de beauté qu’elle a bien voulu me laisser.

J’aime si profondément mon unique fratrie que je ne peux qu’éprouver de la culpabilité à ces vils sentiments.

J’observe son père à loisir, c’est vrai qu’il lui ressemble, devrais-je me sentir trahie par ces mensonges ? 

Ou reconnaissante peut être ?

 

Je hais cet homme, je hais ma mère, je hais ce maudit salon ou viennent se faire balayer les restes de mon amour propre.

Je pose le magazine que je lisais sans comprendre, chuchote une autre fois à la coiffeuse manucurée, rase les murs pour sortir discrètement.

Je suis pleutre, lâche, je ne vaux pas mieux que le commun des mortels.

J’entends à peine le « ma chérie que fais-tu ici » de ma mère.

La nausée me prend tout à coup alors que je joue le jeu du : « je te présente Marius, il vieil ami que nous venons de croiser ». 

 

C’est donc ici et dans cet « enchantée monsieur » que je laisse alors le peu de dignité qu’il me reste, moi qui tant de fois ai voulu trouver en moi le courage que ma famille n’a pas eu de braver toutes ces vulgaires politesses.

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